Au milieu du XXème siècle, la famille De Comarmond et sa firme Discomad, implante et développe l'industrie phonographique à Madagascar. Pourtant, dès les années 1900, les missions ethnographiques avaient déjà permis l'observation et la collecte de traditions de la Grande Ile. Ainsi, avant même la naissance de l'ethnomusicologie à et la commercialisation des supports d'enregistrements, des témoignages des musiques malgaches nous sont parvenus sur cylindres en cire.
Retour sur une page d’histoire #3
Les premiers enregistrements des musiques malgaches
publié par
Fanie Précourt
16 juillet 2021

La naissance de l'ethnographie musicale à travers les premières collectes d'enregistrements malgaches : de l'enregistrement scientifique à l'édition commerciale
« Rassembler différents sons venus du monde entier, afin de laisser une trace aux générations futures à travers la création d'un musée des sons de l'Humanité » : Voici l'objectif du Dr Léon Azoulay (linguiste, membre de la Société d'Anthropologie de Paris) réalisant en 1900 les premiers enregistrements malgaches.
À Paris, à l'aide d'un phonographe, il gravera 27 cylindres en cire (à écouter sur https://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_I_1900_001/), dans le cadre de la 5ème Exposition Universelle.
C'est à Tamatave qu'Augustin Krämer poursuivra cette voie, en enregistrant en 1906 neuf séquences de terrain (conservées au Musée d'Ethnologie de Berlin).
Puis, à l'issue de la première guerre mondiale en 1918, l'Allemand Paul Hambruch effectuera les enregistrements des prisonniers malgaches des camps de guerre de Wünsdorf (38 disques et 3 cylindres de cire consultables à l'Université Humbolt et au Musée d'Ethnologie de Berlin).
Depuis les années 1930, les missions effectuées à Madagascar par les grands éditeurs à l'image de Polydor, Pathé, Colombia ou encore La Voix de son maître, marquent véritablement les prémices des enregistrements de la culture de la grande île, menés en parallèle des travaux scientifiques de collecteurs de terrain (Ex : Collectes phonographiques à caractère folklorique, faites dès 1924 par des chercheurs du Musée de la parole et du geste[1], valorisant principalement lesrécits improvisés).
À l'occasion de l'exposition coloniale internationale de Paris de 1931, une topographie malgache de trente-huit 78 Tours « des musiques et parlers coloniaux » sera réalisée par l'Institut de Phonétique et le Musée de la Parole et du Geste avec le soutien de la firme discographique Pathé[2]. Si certaines archives sonores restèrent inédites, la majorité d'entre elles font l'objet d'éditions phonographiques commercialisées par Pathé. Pour cela, les interprètes feront parfois valoir leurs droits, en autorisant la commercialisation moyennant une somme forfaitaire par 2 titres.
En 1939, ce fut au tour du journaliste Henry Clerisse d'organiser une mission d'enregistrement à Madagascar, afin de réaliser un reportage sonore destiné à la radiodiffusion. Aux côtés de l'ethnologue photographe Raymond Decary, il enregistra sur disques souples de 25 cm les traditions (Sakalava, Betsimisaraka, Bara, Betsileo, Tanala) publiées en 1946 par le Musée de l'Homme (série de 30 disques 78 Tours). https://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_E_1946_001_001/
Jusqu'aux années 1950, les enregistrements seront diffusés sur supports 78 Tours, pressés en Europe ou à l'étranger. Il faudra attendre l'aube des années 1950, pour que la famille De Comarmond révolutionne le paysage local avec De Comarmond & Cie…
Fanie Précourt
POUR EN SAVOIR PLUS
1. Avec l'aide d'Emile Pathé, Ferdinand Brunot créa le « Musée de la parole et du geste », inauguré en 1928 à la Sorbonne (avant d'être transféré dans le 5ème arrondissement de Paris). Son décret précise que cet institut de phonétique a pour but de « recueillir et de conserver en matière inaltérable la parole des hommes célèbre, la diction et le chant des grands artistes, les chants et mélodies populaires, les langues, les dialectes et les patois ». Ainsi sous l'impulsion d'Hubert Perrot (directeur des Archives de la parole), nombre de collectes folkloriques ont été menées dès les années 1930.
2. Pour plus d'informations sur les enregistrements de la Parole et du Geste de l'Exposition coloniale de 1931 : https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2006-4-page-47.htm Ces enregistrements s'accompagnent de photographies (musiciens, instruments, technique de jeu).