Partitions de La Réunion

Ségas instrumentaux de René Lacaille

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Fanie Précourt

02 août 2023

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Nombre d’étapes ont conduit l’auteur-compositeur et multi-instrumentiste René Lacaille de l’orchestre en cuivre familial à ses rencontres avec les plus grands (Raul Barboza, Bob Brozman, Za Vinul, Manu Dibango…) sur les scènes des festivals internationaux.

Si aujourd’hui on peut lire de lui qu’il reste l’ « accordéoniste-chanteur jouant le « blues » de La Réunion, le maloya, qu’il accommode à sa manière, avec des touches de java cassée, de séga boiteux, de biguine bancale », il n’en fut pas moins dès ses débuts un compositeur fortement ancré dans l’héritage traditionnel de nos anciens, respectueux du style compositionnel de ses aînés.

Dans cet article, redécouvrons deux compositions instrumentales de René Lacaille, à travers leurs partitions transcrites sur la base des phonogrammes de l'époque. À la fois outils pédagogiques, vectrices de jeu et de transmission, ces partitions contemporaines ont pour vocation de véhiculer durablement nos musiques, majoritairement issues de la tradition orale.

René Lacaille, en ce temps-là...

Né le 28 janvier 1946 à Saint-Leu (La Réunion), René Lacaille est bercé par les rythmes de bals la poussière qu’animent son père accordéoniste et ses frères Renaud et Régis, qu’il accompagne à la batterie dès l’âge de sept ans. Ses débuts à l’accordéon sont aussi prometteurs. Sa culture musicale s’enrichit considérablement à l’écoute des vinyles de Guy Lafitte, Django Reinhart, Wes Montgomery… Véritable touche-à-tout, René se forge son expérience d’autodidacte, passant de la guitare au saxophone avec une facilité déconcertante. En 1967, il a dix-neuf ans lorsqu’à l’issue de son service militaire en métropole il devient un habitué des boîtes parisiennes, où il côtoie des guitaristes corses et manouches qui influenceront son jeu. Il fréquente les studios d’enregistrement que foulent des musiciens en vogue et assiste à de nombreux concerts, notamment des guitaristes américains Kenny Burrel et Barney Kessel.

De retour à La Réunion en 1970, René va jouer aux côtés de Luc Donat et créer sous le parrainage du violoniste un groupe inspiré de Santana, les Ad’Hoc (Ad-Hoc). Le pianiste et guitariste Yves Son-Houi est de la partie. En tant que preneur de son et co-responsable du studio Royal, il permet au groupe d’enregistrer un 45 Tours (J 40121) sur lequel figurent deux des premières compositions de René « Met’ encore l’a pas assez » et « Sax séga ». La soif d’étendues sonores modernes agrémentées de rythmes traditionnels amène rapidement René à rencontrer Alain Peters, avec qui il forme en 1977 le mythique groupe Caméléon, mélangeant le séga-maloya au rock progressif. Ce dernier accompagne la tournée de Graeme Allwright et de nombreuses vedettes locales aussi bien en concert qu’à la radio, à la télévision et en studio d’enregistrement. Ce n’est qu’après l’enregistrement de la cassette Chante Albany, éditée par l’ADER en 1979, que René Lacaille quitte La Réunion pour s’installer en France métropolitaine et poursuivre sa longue carrière, maintes fois saluée.  

Séga 3ème âge

C : René Lacaille

Pochette du 45 T du label Disque Royal DR 77 0005. 
Pochette du 45 T du label Disque Royal DR 77 0005. 

Gravé en 1977 sur le vinyle 45 Tours « Régis et le groupe Caméléon », le titre « Séga troisième âge » est bien une composition du petit frère de Régis Lacaille, René. Pour l’occasion, Régis est l’accordéoniste soliste qui interprète à l’accordéon la mélodie mélismatique (de tonalité principale en Sol m) reposant sur un tissu harmonique teinté de modulations, d’accords diminués et augmentés. On note alors d’emblée que René Lacaille s’inscrit dans la rare lignée des compositeurs réunionnais des années 1950, que formaient Loulou Pitou, Jules Joron, André Philippe ou encore Luc Donat, tous adeptes des mélodies raffinées et de tonalités mineures. Associée au divertissement et à la danse dans les bals et autres lieux de festivité, rappelons que l’essence du séga réunionnais est d’être résolument gaie. Pour cette raison, la très grande majorité d’entre eux sont de tonalité Majeure. 

Séga 3ème âge extrait du 45 T DR 77 0005

12 -12 - 81

C : René Lacaille

Verso de la pochette du 33 Tours LP 210.                     L' illustration 1 est le recto.
Verso de la pochette du 33 Tours LP 210.                     L' illustration 1 est le recto.

Composé par René Lacaille en 1981, 12 12 81 (sorti en 1982 !) est un séga de virtuosité pour deux guitares, qui valorise une écriture en arpèges (de la mélodie) sur un tempo allegro (allègre). Une fois encore, la tonalité principale, qui caractérise le thème A et que nous pourrions qualifier de « couplet » (de la mesure 12 à 26) est mineure (La m). Le thème B ou « refrain » (de la mesure 28 à 35) est quant à lui en Do M. À l’écoute de l’enregistrement original du titre (gravé sur le vinyle 33 Tours LP 210), on retient de nombreuses reprises de ces deux thèmes (cinq fois le thème A, quatre fois le B). Si, à l’image des attentes des auditeurs des années 1980, René Lacaille les exécutait fidèlement, méthodiquement et sans variation, seule la Coda nous laissait entendre un début d’improvisation. Telle une suggestion faite par le compositeur-interprète aux futurs musiciens réinterprètes, l’improvisation apparaît aujourd’hui encore comme une évidence et la notation des accords sur notre transcription a été prévue à cet effet.   

12-12-81 extrait du 33 Tours LP 210. 

Fanie Précourt