Retour sur une page d’histoire #1

Le producteur réunionnais de phonogrammes Soredisc

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Fanie Précourt

14 juin 2021

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La maison de production vinyle Soredisc a été créée en 1967, à Saint-Denis de La Réunion par Pierre Fen-Chong. Michel Admette, Pierre Rosely ou encore Henri Madoré, sont autant d'artistes à avoir séduit les auditeurs par leurs voix gravées sur les 45 Tours de ce label, bien ancré dans le paysage musical réunionnais jusqu'aux années 1990.

Très jeune sensibilisé au commerce, au côté de son frère Jules qui ouvrit dans la ville du Port, face à la mairie, un magasin de photographie, Pierre Fen-Chong anime le lieu en diffusant des 78 Tours sur gramophone et organise des projections de films, grâce au premier scopitone importé à La Réunion. La pièce est exigüe et ne permet qu'à une trentaine de personnes d'assister aux séances cinématographiques, qui se répètent toutes les 20 min de sorte à contenter un maximum de gens. Nous sommes là en 1965. A 24 ans, lorsque se présente l'opportunité pour Pierre de devenir gérant de la société de vente de disques Soredisc, il saisit l'occasion, à la date symbolique du 20 décembre 1967. C'est un an plus tard, qu'il décide de créer le studio d'enregistrement du même nom, avant de se retrouver rapidement à la tête de huit magasins jusqu'en 1978.

Dans la dernière boutique, la maison mère et historique toujours existante à l’angle des rues Pasteur et Jules Aubert dans le chef-lieu, Soredisc vend depuis la fin des années 1960 des instruments de musiques, du matériel de sonorisation, de diffusion et des disques de musiques locales (qu’il produit) et internationales (qu’il commande sur Paris). Nous sommes dans les années 1970 et les orchestres de bal comme Les Super Migs, Les Glous-Glous ou encore Les Poids du Cap (avec Michel Vergoz à la batterie !), font régulièrement appel à ses services pour se procurer du matériel, qu’il met à leur disposition le temps de quelques animations. Ces mêmes orchestres sont les principaux qui accompagneront les vedettes locales lors des prises de sons faites en studio pour le pressage des vinyles du label.

C’est d’ailleurs Soredisc qui révèlera Pierre Rosely, puis le Prince du séga Michel Admette, avec son incontournable « Route en corniche », édité à 50 000 exemplaires. Les premiers enregistrements se font à partir d’un magnéto Ampex commandé aux Etats Unis. Malheureusement, les différences de voltages et des fréquences Herziennes de l’appareil entre pays (habituellement utilisable sur du 110 Volt et non 220 Volt) rendent les premières prises de sons peu concluantes et contraignent Pierre Fen-Chong à ne réaliser que 1000 exemplaires du premier 45 Tours (Sor 20002) de Pierre Rosely. Il avait rencontré l’artiste un an auparavant. Ce dernier été en effet venu pour la première fois dans sa boutique en 1968 afin d’acheter une Gibson pour participer au Concours de chant Floralys (qu’il remporta!) en interprétant le tube de C. Jérome « Le petit chaperon rouge est mort »).

Mais Pierre Fen-Chong ne se démoralisera pas pour autant et de passage à Paris, lorsqu'il comprend comment faire entrer un artiste dans le Hit-Parade, il décide de tout miser à nouveau sur cet interprète, quitte à finaliser la production d'un 45 Tours avec la Firme Pathé (Pat C 016-10276). 50 000 disques du succès « Marylou » (A : Gigant Jean-Claude/C : Pierrot Rosely) s'arrachent alors comme des petits pains et parviennent à assoir durablement la carrière de Pierre Rosely. Il restera plusieurs mois durant dans le top 10 du Hit-Parade français des ventes de disques. Ce titre sera même réinterprété en rumba par Claude Ciari sur deux 45 Tours Pathé (Pat 600108, Pat 600121).

SOR 20015 Face A, 45 Tours
SOR 20015 Face A, 45 Tours
SOR 20016 Face A, 45 Tours
SOR 20016 Face A, 45 Tours
SOR 20017 Face A, 45 Tours
SOR 20017 Face A, 45 Tours

Ce sont finalement la concurrence accrue (parfois déloyale) et la mutation des supports d'enregistrement qui auront raison du label. Celui-ci cessera de produire à l'aube du XXIème siècle, malgré des trésors enregistrés qui n'ont jamais été édités. Il n'en restera pas moins une des sociétés marquantes de l'histoire de la production locale.

Fanie Précourt