Musiques des Comores

Typologie des répertoires musicaux

publié par

Yakina Mohamed Djelane

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© Soubi en concert à Moroni, Fanie Précourt, novembre 2019

Aux Comores, la diversité des influences musicales est le fruit des flux migratoires venus d'Afrique, de la Perse, du Yemen, de l'Inde, de Madagascar et de l'Europe. La musique comorienne regroupe essentiellement des mélodies arabes et des rythmes d'origine bantoue et swahili. La musique est le secteur artistique le plus populaire aux Comores, elle joue un rôle primordial dans la vie du comorien ce que souligne à juste titre l'anthropologue Damir Ben Ali dans son livre Musique et société aux Comores:

« Le rôle de la musique et de la danse est si important, dans l'archipel des Comores, que les fêtes religieuses et profanes, marquant les grands moments de la vie collective et les principaux actes de la vie familiale et individuelle, ont singulièrement façonné l'habitat, aussi bien urbain que rural.» (1)

La musique rythme la vie du comorien de la naissance en passant par les rituels de circoncision et de puberté, les festivités du mariage (anda/harusi) ou encore le deuil.

Le chant (djimbo) est composée par le mbandzi, véritable poète qui célèbre les grands moments de l'histoire collective et individuelle.  On peut citer les berceuses dédiées aux enfants et les chants de métiers (mayimbio), les chants de deuil (idumbio), les chants religieux d'inspiration arabe comme le deba et  les  chants festifs du grand mariage tel  que le  tari et le twarab.

© Fanie Précourt, Moroni, novembre 2019
© Fanie Précourt, Moroni, novembre 2019

Le twarab

Twarab est issu de l'arabe « taarab » qui signifie émotion par la musique. Au début du XX e siècle, Zanzibar était un pôle culturel et commercial important dans la région. Les vedettes zanzibarites telles que Sitti Binti Saad étaient très connues aux Comores. Dans les années 1912-1913, deux comoriens natifs de Zanzibar, Salim Bin Hilal et Abdallah Cheikh Mohamed vont introduire le twarab dans l'archipel. A partir des années 1950 et 1960 le twarab connaitra un essor considérable en prenant pour racine l'art poétique traditionnel des wapvandzi. On citera parmi les pionniers Mambad Mze Mohamed et Said Mohamed Taanshik. L'amour est un des thèmes privilégiés du twarab. Mohamed Hassan et Nassor Soilih en sont les représentants les plus charismatiques.

Le twarab doit sa popularité à son intégration au répertoire du Grand mariage. Lors de la célébration du grand mariage coutumier, un twarab est organisé par la famille la veille de l'entrée solennelle du mari dans la maison nuptiale. C'est l'occasion pour les orchestres de collecter de l'argent notamment pour les projets d'aménagement des quartiers. Ils existent dans chaque villes et villages des associations de twarab. Plus la somme recueillie dans un mariage est importante, plus le marié gagne en prestige social! Le grand mariage est un moment fort d'accomplissement social pour les mariés et leurs familles, il est profondément marqué par des chants et des danses qui peuvent durer jusqu'à quinze jours.

A Anjouan des orchestres comme Mahabouba El Watoine et Saif El Watoine ont marqué des générations. De nos jours des concours de twarab ont lieu dans l'archipel, les batteries et guitares électriques ont remplacé les violons, les accordéons et le Oud (luth arabe) dans certains orchestres.

La berceuse (hwimbiya)

La berceuse est généralement dédiée à un bébé mais on retrouve également des berceuses composées à l'occasion d'un mariage ou au retour d'un voyage. La berceuse est chantée par la maman, par la grand-mère, par la jeune tante, la sœur ainée qui seconde sa mère et s'initie très tôt à son futur travail de mère. Les berceuses possèdent une valeur symbolique dans la transmission des règles matrilinéaires et du comportement que doit avoir une femme en société.

Le terme hwimbia est utilisé aussi pour designer les chants de métiers en raison de la douceur de la mélodie utilisée. Hwimbia misi (bercer les lignes) pour les pêcheurs et hwimbia soha (bercer la hache) pour le bûcheron.

Les chansons de campagne électorale

Aux Comores, les campagnes électorales riment avec campagnes musicales. La chanson de campagne est l'héritier de la poésie du XIXe siècle, on retrouve l'éloge assez fréquent dans la tradition ancienne des wapvandi wa mbeo qui signifie littéralement poètes de récompense. A l'époque des sultanats les wapvandzi étaient présents pour flatter et énumérer les qualités du sultan et de son entourage.

A l'instar, des griots d'Afrique, les compositeurs (wapvanzi) mettent leur service et leur popularité au service d'un candidat.

Les radios servent d'amplificateur et les candidats rivalisent en faisant passer en boucle dans les QG de campagnes les chansons à leur effigie.

La chanson de campagne électorale encense le candidat, elle est dans l'esprit du mshago, très rythmé pour donner l'occasion au militant de danser et chanter pendant les meetings.

A titre d'exemple, Salim Ali Amir, vedette nationale a composé la chanson du leader historique du Front Démocratique, Moustoipha Said Cheikh pour la campagne présidentielle de 1990. Dans cette chanson l'homme politique incarne la bravoure et la lutte contre l'injustice.